Une main tendue...

Ça y est, c'est le grand jour pour Chipie ! On file chercher sa "nouvelle tête" comme elle dit ! Elle se pare de son beau bonnet, et c'est parti !
C'est la brigade des filles : Clara, maman, Mamie Josette et Mamie Martine ! Belle équipe !
Arrivées là-bas, le salon est ouvert rien que pour nous ! Le perruquier souhaitait que Clara soit vraiment à l'aise. La classe !
Il nous demande de le suivre. Clara s'assoie et dit :


- "Elle est où? Je veux la voir !"
- "Tout de suite Mademoiselle ! La voilà !"

"J'adoreeeee !!!"

Clara relève la tête, il ajuste la perruque.
- "J'adore!" dit Chipie.
Elle a vraiment bien choisi, la teinte ressemble à la sienne et la coupe lui fait un doux visage.
- "Par contre Clara, comme je te l'ai dit l'autre jour, la perruque tiendrait bien mieux si on enlevait tes petits cheveux..."
- "D'accord, je suis prête", lui répond-elle

Je suis surprise par sa détermination. Nous n'en avions pas reparlé avec elle.

- "Tu es sûre ma chérie? On peut attendre un peu"
- "Non maman, arrête de me parler, je suis prête !"

Le perruquier nous demande de sortir pour raser la tête de Clara.
- "C'est bon, vous pouvez revenir !" dit-il au bout de quelques minutes.

La vision de ma fille sans cheveux me choque. Elle est belle, mais je suis vraiment bouleversée. Ses mamies aussi. On sourit. Ne rien montrer...

Le perruquier m'apprend ensuite à lui mettre sa perruque, devant un miroir. Les gestes sont simples mais précis afin que le résultat soit beau.
- "Allez, on y va?". Clara est pressée de partir !

Elle marche dans la rue, la tête bien droite. Elle remonte des mèches avec ses petits doigts tous fins, caresses ses nouveaux cheveux...Une fille, quoi...

Mais arrivées chez Mamie Josette, les choses se gâtent. J'entends Clara pleurer dans la chambre de ses grands-parents. J'entrouvre la porte. Elle est devant le miroir, tête nue, la perruque dans la main. Elle pleure à chaudes larmes :
- "J'aurai dû t'écouter maman, j'aurai dû attendre... En plus, il a jeté mes cheveux...Je voulais les garder, je regrette, je regrette tellement..."
Ses sanglots se font de plus en plus intenses, elle est inconsolable. La voir si désemparée me bouleverse, et je me mets à pleurer aussi !
- "Ils seraient tombés bientôt ma chérie, tu sais..."
- "Je sais mais je les aimais mes petits cheveux !"
- "Tu es si belle mon cœur, ils repousseront mon bébé".

Clara n'est pas dupe, elle ressent mon désarroi.

Ma mère entre dans la chambre à son tour. En nous voyant pleurer toutes les deux, elle se met à pleurer aussi ! La tristesse remplit la pièce. On a beau se préparer à la chute des cheveux, c'est peine perdue. Cette étape est vraiment douloureuse.
Alertée par nos pleurs, Mamie Martine entre à son tour dans la chambre. Et se met aussi à pleurer...La brigade des filles est à terre...
Au bout de quelques minutes, on finit par se ressaisir et on sort de la chambre. Les papis nous voient... et préfèrent ne pas en rajouter !

Keep smiling my love...

Allez ! Hauts les coeurs !
On file manger à la maison et Simon, un copain-collègue de Loulou, vient passer un moment avec nous ! Il fait rire Clara et elle en profite !
- "Simon ! Tu peux faire la poule qui pond un œuf?". Simon s'exécute. Clara rit aux éclats. Il faut dire qu'il y met toute son énergie ! Merci à toi. A ma demande, il prend une photo de Chipie et moi.

Je t'aime ma toute douce...

Et puis c'est au tour de Mireille et Daniel, la Marraine d'olivier et son mari, de passer nous faire un coucou par surprise ! L'émotion est là...Enfin ils peuvent l'embrasser en vrai...

17h00 : tout le monde grimpe dans la voiture, on file chez tata Catherine et tonton Julien pour découvrir la maison qu'ils viennent d'acheter ! Ce n'est qu'à une demi-heure de chez nous. On prend l'air, c'est à la campagne...Il y a des moments comme ça où les soucis se cachent au fond de notre tête et où l'on profite simplement du moment présent ! Humer l'air doux de la campagne, l'odeur de la terre, toucher des murs d'une maison en pierre, ressentir la fraîcheur d'un chais, jouer avec des chatons...

20h00 : ce soir, Loulou et moi sortons ! Deux fois dans la même semaine me direz-vous! Un exploit depuis trois mois ! Noah et Clara ont leur façon bien à eux de nous tordre l'estomac avant de partir :
- "Mais c'est ma dernière soirée avant de revenir à l'hôpital!", dit Clara
- "De toute façon, vous sortez tout le temps, et en plus sans nous!", ajoute Noah.
Ils sont mignons...

Mais Mamie Martine et Papi Paul sont là, alors on file ! Nous rejoignons Arnaud, un ami proche, pour l'anniversaire surprise de sa femme ! Elle nous saute au cou lorsque nous arrivons. Elle ne s'attendait pas à ce qu'on vienne. Nous non plus, on ne pensait pas être capables d'accepter une invitation il y a encore quelques jours... Mais notre famille et nos amis nous poussent à penser un peu à nous ! Nous sommes vraiment ravis d'être avec eux !

L'ambiance est festive, les braises de barbecue réchauffent l'air frais, nous faisons connaissance avec tout le monde. Nous parlons de tout, écoutons les anecdotes des uns et des autres. On sent que tout le monde sait pour Clara, mais personne n'ose nous en parler. Comme pour nous protéger.
Mais en parler nous aide aussi, parfois.
Alors, avec certains, nous parlons d'elle, de son cancer...J'ai encore beaucoup de mal à prononcer ou à écrire ce mot. Cancer.
Et pourtant...

Au cours de la soirée, je m'assoie un moment près du papa d'Arnaud, assis en bout de table. Je sens que nous allons parler de Clara. Il me fait part de ce qu'il ressent. Lui et son adorable épouse lisent le blog, tous les soirs. Ils connaissent Clara depuis toute petite.
- "Espoir, tu dois avoir ce mot en tête tout le temps, cela doit te guider. Espoir avec un grand E " me dit-il. Tu dois t'apaiser, Olivier aussi. Si elle sent votre sérénité face à l'avenir, elle le sentira aussi et s'apaisera naturellement."
- "Mais j'ai peur. La peur me noue le ventre..."
- "La peur de quoi?" me répond-il, en plongeant ses yeux dans les miens.
La peur de quoi??
- "Vous le savez très bien".
L'émotion est trop forte. Je fonds en larmes, mes sanglots sont incontrôlables. Mais libérateurs.

Il s'est arrêté de parler. Il déplie doucement son bras posé sur l'accoudoir de sa chaise et me tend la main...Je pose ma main dans la sienne. Ce qu'il me transmet à ce moment là est inexplicable. Une main tendue en guise de soutien... Il comprend notre peine. Cet homme est un écorché-vif, il a vécu beaucoup de choses difficiles dans sa vie. Ses émotions sont brutes, mais la douceur inonde la main qui tient la mienne...

Il ajoute :
- "Pense à ce petit chemin, celui de la guérison. Il sera parsemé d'embûches, mais elle choisira le bon chemin. Ne vis pas dans la peur, pense à demain...Pense au beau temps après la pluie. Apaise-toi..."

Merci infiniment.