Notre vie a basculé le vendredi 8 août 2014. Clara est atteinte d'un cancer infantile, un neuroblastome métastatique. Elle a une tumeur sur la surrénale gauche et des métastases dans la moelle osseuse. Nous allons mener un long et dur combat tous ensemble, main dans la main. Entrons dans la ronde...

lundi 20 octobre 2014

Guet apens...

8h00 : on est réveillées toutes les deux par l'infirmière. Elle vient prendre la température et la tension de Clara.
La nuit a été mauvaise.

Clara est hyper-hydratée.
Elle s'est donc réveillée 6 fois pour faire pipi ! A chaque fois, il faut sonner pour que l'infirmière vienne faire un test-bandellette (pour vérifier qu'il n'y a pas de sang dans les urines de Clara).
Et puis il y a les poches d'hydratation qui finissent, les machines qui sonnent, les infirmières qui viennent poser des seringues d'anti-vomitifs...
Bref, le bal toute la nuit !

Clara n'a pas faim. Elle ne se sent pas bien, elle est très nauséeuse.


11h00 : Clara a déjà vomi trois fois. Elle n'a rien dans le ventre. Elle est épuisée.
Je dis à l'infirmière que les corticoïdes l'avaient bien soulagé de ses nausées lors de la précédente cure. Elle dit qu'elle va en parler aux médecins.

12h30 : je fais chauffer mon plat dans la salle à manger.
J'ai pris mon téléphone qui n'a plus beaucoup de batterie, et j'ai dit à Clara que je revenais dans 10 minutes.
Un médecin arrive et vient me présenter le chirurgien de Clara, dans la salle à manger.
- "Vous avez 5 minutes?", me demande le chirurgien avec un grand sourire
- "Oui. Je prends mon téléphone"
Je laisse mon plat tourner dans le micro-ondes.

Nous allons dans la salle des rendez-vous. Il ferme la porte derrière moi.
- "Alors, Madame, qu'avez-vous compris de la maladie de votre fille?"

A ce moment précis, je comprends qu'il ne va pas se contenter de se présenter.

Je lui résume ce que nous savons. Il acquiesce.
Il commence alors à me décrire à quoi ressemble un neuroblastome (forme, aspect...)
 Puis, il me parle de l'intervention à venir.
Des risques.
De ses compétences, de sa formation.
Il me parle aussi de sa vie. Dont je n'ai rien à faire.
Les minutes défilent.
Mon téléphone se coupe. Je n'ai plus de batterie.

Devant tant de détails, les larmes montent.
Il continue de parler, totalement indifférent à ma détresse.

Je lui demande:
- "Pourquoi vous me parlez de tout ça aujourd'hui, maintenant, alors que je suis seule? Nous avions signifié au Dr J. que nous voulions être prévenus de tout rdv médical à l'avance afin de pouvoir être tous les deux ! Y avait-il une urgence à me voir?"
- "Ben non, pas du tout. C'est juste que j'avais un trou dans mon emploi du temps et que je vous ai croisée!"
- "Mais enfin, je n'étais pas prête à entendre autant de détails, toute seule, au cours d'une rencontre imprévue! Vous m'aviez parlé de 5 minutes, cela fait 45 minutes que vous me détaillez la tumeur de ma fille et son opération !"
- "Ah oui, madame, mais nous avons beaucoup de travail, nous rencontrons les parents quand nous pouvons"
- "Oui mais là, vous m'avez prise au dépourvu, et je n'apprécie vraiment pas"

Je prends congé du chirurgien, en larmes, et je file rejoindre Clara.

Elle m'attend, assise sur son lit, son téléphone à la main. Elle pleure.
- "Maman ! T'étais où? T'es sur messagerie, j'avais peur ! J'ai appelé papa, il a peur lui aussi"
- "Mais les infirmières ne t'ont pas dit que j'étais avec un docteur?"
- "Elles savaient pas où t'étais!"

Ben oui.
Personne ne m'avait vu partir avec le chirurgien.
Tout le monde me cherchait.
Même les infirmières.
J'étais folle de rage contre ce chirurgien qui venait de me prendre en otage. Je n'aurais jamais dû avoir cet entretien à ce moment et dans ces circonstances.
Les infirmières sont désolées de la situation. Elles me disent de ne plus accepter de rdv sans demander à l'une d'entre elles de nous accompagner !
Je prends note.

14h00 : l'infirmière m'annonce que les médecins ont décidé de donner des corticoïdes à Chipie afin de la soulager.

Ma cousine Sophie arrive. Clara se lève pour aller dans la salle de jeu. Elles jouent toutes les deux.

Clara et tata Sophie !

14h30 : les nausées s'intensifient. Aucune infirmière à l'horizon.

14h45 : j'attrape une infirmière dans le couloir :
- "Il faudrait donner les corticoïdes à Clara, elle se sent vraiment mal vous savez?"
- "Mais l'infirmière n'est pas encore venue? C'est pas normal ! Je vais lui rappeler !"

15h00 : l'infirmière arrive. Elle pose la seringue de corticoïdes.
Elle se confond en excuses. Elle est débordée...

Ok.
Bon...

Sauf que Chipie a eu le temps de vomir encore deux fois entre-temps...
À force de vomir, elle a mal au dos, aux côtes, au ventre, sa gorge brûle...Elle a les traits tirés.
En plus, elle n'avale rien.

15h30 : nous sommes retournées dans la chambre. Clara est fatiguée.
Les clowns arrivent. Ils redonnent le sourire à Chipie.
Ils sont vraiment doués : ils rebondissent sur chacune de ses paroles, sur le moindre imprévu... La magie opère ! Clara éclate de rire toutes les 2 minutes ! Nous aussi d'ailleurs...

16h30 : Sophie est repartie.
Dernière poche de chimio pour Chipie ! Les corticoïdes commencent à faire effet, elle semble moins nauséeuse.

17h00 : l'interne passe. Elle ausculte Clara. tout va bien. Elle me dit qu'il est fréquent que l'accumulation des chimios rendent les enfants de moins en moins tolérants aux traitements.
Rien d'inquiétant donc.
Mais bon, ma poupée souffre...C'est le prix à payer...
Je lui demande les chiffres du bilan sanguin de samedi soir (Clara a eu une transfusion de plaquettes mais nous ne connaissons pas encore les chiffres !!).
- "Alors, Clara avait 860 globules blancs Neutrophiles, 14 000 plaquettes et 8,6 d'hémoglobine"
- "Ah oui, quand même ! L'hémoglobine a bien chuté. Il faudra sûrement une transfusion demain après le bilan, non?"
- "Demain? Non, dans la semaine, sûrement, mais demain, on a pas prévu de bilan...Mais on pourrait..."
- "A la vitesse où ça descend, il est probable qu'elle ait encore chuté demain, vous ne pensez pas? Ça serait pas mal qu'on attende pas qu'elle aille trop bas..."
- "Oui, peut-être. On fera un bilan demain matin, ça marche."

Je suis dans la 4ème dimension.

Nous sommes fatigués d'être à l'affut de tout, du moindre détail...

17h30 : tata Catherine arrive. Sa bonne humeur nous change les idées immédiatement ! Ouf...
Elle se met à jouer avec Clara.

Je dis à Clara qu'il va falloir prendre son Bactrim !
Elle hurle de dégoût... La moindre idée d'avaler quelque chose la rebute.

Elle vomit à nouveau.
Longtemps.
Douloureusement.

J'appelle l'infirmière. Ils vont essayer un autre anti-vomitif.

19h00 : Loulou arrive avec Noah pour prendre la relève ! Clara est contente de voir son frère.

Nous passons um moment tous ensemble et je rentre à la maison.

Clara voudrait rentrer elle aussi.

- "Demain ma chérie, plus qu'une nuit..."

23h00 : je me couche, à bout de forces.
Pourtant, je ne parviens pas à m'endormir. Les mots du chirurgien raisonnent dans ma tête.

Pourquoi toi ma poupée?

Pourquoi?




6 commentaires:

  1. Manue que dire après tout ce que tu vis toi et ton Loulou ton grand Noah et ta choupinette !!!! Mon dieu ! Nous pensons sans cesse à vous tous....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Coucou ! Nous nous battons, mais n'importe quelle famille ferait comme nous...C'est l'instinct de survie ! Bisousss

      Supprimer
  2. Nô comment .... C.est désolant. Manue perd pas l'espoir, je sais ce n'est pas facile pour une maman et pour un papa. Plein de gros bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Arlette, je ne perds pas espoir, nous ne perdons pas espoir...Jamais...Nous avons simplement des moments difficiles, et nous en connaitrons d'autres. Mais nous avons aussi plein de moments de répit, de bonheur "comme avant"...Gros bisous

      Supprimer
  3. Oui, c'est dur, surtout pour sa petite fille, on ne peut accepter cette souffrance qu' en ne perdant pas à l'esprit qu'il s'agit de la guérir. Ce sont des passages obligés dévastateurs pour vous mes grands, mais il faut tenir et vous y arrivez tellement bien; Enormes bises, courage !

    RépondreSupprimer
  4. que vous dire sinon que votre courage à tous sublime mon admiration , bien sur il ne faut pas baisser les bras , mais je comprends vos moments de découragements , mais le sourire de chipounette est le meilleur des remèdes c'est une petite fille très très courageuse , je pense à elle tous les jours et espèrons venir très bientôt bises

    RépondreSupprimer